De l'Autre côté

En marge du festival, des vendeurs de tous poils pullulent, assis par terre, disposant une marchandise hétéroclite sur le sol ; affiches Disney reproduites à l'arrache, bricoles en plastique barriolé, jouets pour enfants... Vendus par des enfants.

Une petite fille d'environ huit ans me poursuit tandis que je déanmbule autour de l'immense clotûre qui ferme le lieu des festivités. Elle est vêtue d'un vieux T shirt rose tout tâché, et tient contre sa poitrine des petits livres illustrés qu'elle vend aux gosses de son âge qui ont des parents aisés. Cela ne semble déranger personne tant la situation est répandue. On justifie tout avec le karma ici, ce qui permet de couper court aux problématiques inégalitaires.

La petite s'amuse à me suivre partout et nous rions de notre curiosité mutuelle. Elle ne vend rien, et joue avec une toupie en terre, sans doute récupérée d'un récipient de thé que l'on jette par terre après usage et qui ne se serait pas brisé. Personne ne semble la voir, cette gamine doit être une Intouchable. Je me demande si elle a une famille, mis à part les autres gosses qui, comme elle, vendent des babioles colorées en courant pieds nus.

Je l'observe tandis qu'elle se hisse derrière les barreaux, regardant avec envie des gamins de son âge qui, de l'autre côté, participent à un atelier maquillage en plein air. Son expression de tristesse résignée ne sied pas du tout à une enfant de son âge, et je me surprends à penser aux gamins qui ont huit ans à Paris, à leurs yeux qui brillent devant les vitrines du Bd Haussman à l'approche de Noël. Comparaison aussi vaine qu'idiote, car, au fond, c'est ce même désir léger qui fait briller les yeux de ces enfants.

Je ne lui donne rien, il ne faut pas. Ce serait si facile pour moi de me soulager en lui achetant le jouet qu'elle me désigne puis de passer mon chemin. Et après ? Je ne suis pas capable de la faire redevenir une enfant, de lui rendre ce qui, pourtant, lui appartient.